jeudi, juillet 31, 2025
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Fête du Trône : Une diplomatie marocaine tournée vers l’Afrique

Alors que le Maroc célèbre le 26e anniversaire de l’intronisation de Mohammed VI, la Fête du Trône s’affirme comme l’un des rituels politiques les plus féconds de la diplomatie marocaine, résolument tournée vers l’Afrique.

Mieux qu’un simple moment de célébration monarchique, la Fête du Trône cristallise une vision du Royaume marocain comme puissance africaine en devenir, projetant sur le continent un modèle d’influence fondé sur l’investissement, la stabilité et l’interconnexion Sud-Sud. Après le retour du Maroc dans l’Union africaine, le pari royal d’un arrimage continental paraît plus lisible, plus assumé, mais aussi plus exposé aux recompositions géopolitiques régionales.

La réintégration du Maroc à l’Union africaine, entérinée à Addis-Abeba en janvier 2017 après 33 années d’absence, a constitué l’acte fondateur d’un repositionnement diplomatique assumé. Ce retour dans le giron continental ne relevait pas d’un geste formel, mais d’un virage structurel porté au plus haut niveau. Dès 2016, dans un message resté célèbre au 27-ème sommet de l’Union africaine à Kigali, Mohammed VI déclarait : « Africain est le Maroc, Africain il le demeurera ».
Cette profession de foi se voulait à la fois mémorielle et prospective, annonçant une nouvelle ère marquée par un engagement soutenu dans les institutions panafricaines, les projets régionaux et les partenariats bilatéraux stratégiques.

Depuis lors, la diplomatie royale a multiplié les signaux d’ancrage africain : plus de vingt visites officielles en Afrique subsaharienne ont été menées, chaque déplacement du souverain donnant lieu à la signature d’accords couvrant un spectre large — du secteur bancaire à l’agriculture, de la sécurité à l’énergie renouvelable. Cette mobilité diplomatique traduit une volonté de présence constante, dans un continent où l’influence se mesure aussi à la constance des relations personnelles entre chefs d’État.

Une diplomatie par les faits : investissement, connectivité, co-développement

La singularité de l’approche marocaine réside dans l’articulation étroite entre ambition diplomatique et déploiement économique. Selon les chiffres consolidés au 1er semestre 2025, plus de 70 % des investissements directs étrangers (IDE) marocains sont dirigés vers l’Afrique, avec un cumul dépassant les 5 milliards de dollars sur la dernière décennie. Le Maroc se positionne désormais comme le deuxième investisseur africain sur le continent, derrière l’Afrique du Sud.

Cette stratégie repose sur une palette d’instruments économiques : Casablanca Finance City, qui abrite aujourd’hui plus de 240 entreprises internationales à vocation panafricaine ; les filiales bancaires marocaines (Attijariwafa Bank, BOA, Banque Populaire) présentes dans plus de 20 pays africains ; ou encore OCP Africa, dont l’usine d’ammoniac au Nigéria produit plus d’un million de tonnes par an. Avec ces vecteurs, le Royaume structure des chaînes de valeur intégrées, stabilise des partenariats, et nourrit une diplomatie du concret, à rebours des logiques purement discursives.

Cette diplomatie des projets prend corps à travers des chantiers phares. Le gazoduc Nigéria–Maroc, long de 6 800 kilomètres et traversant onze pays, incarne à la fois la promesse énergétique et la projection diplomatique. Estimé à 25 milliards de dollars, il symbolise une ambition stratégique de connectivité Sud-Sud, en s’adossant aux besoins du continent et à la demande européenne. De même, le terminal GNL de Nador West Med, la zone industrielle de Dakhla, les câbles électriques entre le Sahara et le nord du Royaume traduisent une vision fondée sur la circulation des ressources, des biens et des données.

L’Initiative Atlantique : un corridor stratégique en devenir

Lancée en 2023, l’Initiative Atlantique complète ce tableau en reconfigurant la façade ouest-africaine comme un espace intégré d’échanges, de mobilité et de sécurité. La ville de Dakhla, dotée d’un port en eaux profondes et d’une zone franche, en est le pivot. Le projet fédère aujourd’hui plusieurs pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Niger), en rupture avec la Cédéao, ainsi que le Ghana, la Sierra Léone ou la Guinée-Bissau. Il s’agit de transformer la géographie du continent en desserrant l’étau continental par l’accès à l’Atlantique, tout en consolidant le rôle du Maroc comme plateforme logistique entre Afrique, Europe et Amériques.

Cependant ce projet, salué dans cercles panafricains, suscite aussi des crispations. L’Algérie, faudra t-il le déplorer, y voit une tentative d’inféoder l’Afrique de l’Ouest à l’orbite marocaine, et propose son propre projet de gazoduc transsaharien. Par ailleurs, d’aucuns déplore la fragilité des financements ou l’absence d’un mécanisme multilatéral structurant. Cela pourrait générer des risques d’enlisement sécuritaire au Sahel. In fine il ces éléments peuvent constituer des freins potentiels. La réussite de l’Initiative Atlantique dépendra donc de sa capacité de se doter d’une gouvernance inclusive, d’un financement stable, et pour les populations riveraines des bénéfices concrets.

Sahara : une intégration régionale par le développement

Au cœur de la diplomatie marocaine en Afrique subsaharienne, la question du Sahara n’est plus réduite à un simple contentieux territorial. Elle est en passe de devenir un levier d’intégration régionale et un quitus de crédibilité. Entre 2019 et 2025, pas moins de 27 consulats africains ont été officiellement inaugurés à Laâyoune et Dakhla. Ce qui témoigne vu d’un soutien diplomatique accru au plan d’autonomie marocain.

Le Sahara est également au centre des investissements : ports, zones industrielles, infrastructures logistiques y prolifèrent, s’articulant avec les corridors énergétiques et les projets de connectivité régionale. En parallèle, Rabat a renforcé son rôle dans la sécurité régionale à travers la Plateforme de Marrakech contre le terrorisme (30 pays membres), les programmes de formation militaire, et les échanges de renseignement avec les pays du Sahel. Le Maroc s’impose dès lors comme un pivot sécuritaire crédible entre Maghreb, Afrique de l’Ouest et Europe.

Le sport et le spirituel : deux piliers d’un soft power assumé

Le Royaume ne se limite pas à l’économie et à la sécurité. En accueillant la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et en co-organisant la Coupe du monde 2030, il déploie une diplomatie d’image fondée sur la logistique, l’hospitalité et la capacité organisationnelle. Le Grand Stade de Casablanca, futur complexe de 115 000 places, cristallise cette ambition. Ces événements deviennent des vitrines de modernité, mais aussi des leviers d’emploi et d’aménagement du territoire.

Plus discrète mais tout aussi influente, la diplomatie religieuse et éducative constitue un autre axe fort. Chaque année, 12 000 étudiants africains sont formés au Maroc, ce qui constitue environ 83 % des étudiants étrangers dans le pays. La Fondation Mohammed VI des Oulémas africains regroupe 1 200 savants issus de 40 pays, promeut un islam modéré, et forme des imams à Fès et Rabat. Ce travail de fond confère au Maroc une autorité spirituelle reconnue, en particulier en Afrique de l’Ouest, où l’islam malékite reste majoritaire. Il s’agit là d’un soft power durable, fondé sur la confiance, le savoir et la culture.

Une puissance africaine à la croisée des chemins

À l’heure du bilan, la diplomatie africaine du Maroc affiche des résultats tangibles : des investissements doublés, un soutien politique élargi au Sahara, une présence institutionnelle consolidée. Mais des défis persistent : percée encore limitée dans les zones anglophones et lusophones, dépendance aux bailleurs bilatéraux pour les grands projets, montée des incertitudes au Sahel.

L’enjeu des cinq prochaines années est donc celui de la consolidation. Il s’agira de transformer l’essai : faire vivre les projets, garantir leurs retombées locales, élargir le spectre géographique de l’influence marocaine, et inscrire le Royaume comme acteur structurant de l’architecture continentale. La réussite du gazoduc Nigéria–Maroc, l’activation réelle de l’Initiative Atlantique et l’héritage sportif post-2030 constitueront autant de tests de crédibilité.

La Fête du Trône 2025 cristallise ainsi une décennie d’engagement africain, et projette une vision du Maroc non plus périphérique mais centrale dans les dynamiques continentales. À l’heure où l’Afrique devient un théâtre majeur des recompositions géopolitiques, le Royaume entend s’y inscrire non comme suiveur, mais comme architecte actif d’un avenir africain partagé.

Apanews

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